L’analyse scientifique d’un manuscrit de Kepler révèle que l’astronome aurait pratiqué l’alchimie

Le célèbre astronome Johannes Kepler est célèbre pour les lois qui portent son nom, relatives aux mouvements des planètes sur leur orbite. Pourtant, de récentes analyses scientifiques révèlent que l’astronome pouvait avoir des préoccupations beaucoup plus terre à terre.

Cette découverte vient d’être révélée dans un article publié dans la revue Talanta (journal international de chimie analytique pure et appliquée). Celui-ci décrit comment les chercheurs ont pu détecter des métaux suggérant que Kepler « aurait peut-être commencé à pratiquer l’alchimie ».

L’équipe, dirigée par le biotechnologue Gleb Zilberstein et le chimiste Pier Giorgio Righetti, a découvert des quantités très importantes de métaux – notamment d’or, d’argent, de mercure et de plomb – dans les pages d’un manuscrit de Kepler relatif à la lune, catalogué sous le nom d’« Hipparque » aux archives de l’Académie des sciences de Russie.

Kepler et le monde alchimique

Kepler s’appuie sur les travaux de Copernic pour définir les lois du mouvement des planètes qui ont ouvert la voie à la théorie de la gravité d’Isaac Newton. Bien qu’il soit connu comme mathématicien et astronome, les archives historiques n’indiquent pas s’il a également étudié ou pratiqué l’alchimie – une quête visant à découvrir la pierre philosophale, permettant la transmutation des métaux comme le plomb, en métaux nobles comme l’argent ou l’or, ou encore un elixir qui guérirait les maladies et prolongerait la vie.

Les auteurs supposent que Kepler aurait pu apprendre la « science pseudo-chimique » de son collègue Tycho Brahe, le grand astronome danois, à Prague. Brahe avait invité Kepler à le rejoindre à la cour de Rodolphe II au château de Benatky, en 1600. À la mort de Brahe en 1601, Kepler lui succéda en tant que mathématicien de l’empereur.

Portrait de Tycho Brahe, 1596, château de Skokloster.

Ces derniers précisent que l’alchimie était une pratique populaire aux XVIe et XVIIe siècles. Le conseiller scientifique d’Élisabeth Ire, John Dee, était également alchimiste. Quant à Tycho Brahe, il construisit sur l’île de Ven un laboratoire d’alchimie avec seize fours pour la purification des métaux.

Lorsque son corps a été exhumé en 2010, l’analyse d’échantillons de poils a révélé qu’ils contenaient des quantités d’or « jusqu’à 100 fois supérieures à celles d’une personne normale aujourd’hui ».

« Il est fort probable que Brahe ait transmis sa passion à Kepler, qui aurait peut-être commencé à pratiquer l’art de l’alchimie », poursuit le journal, ajoutant qu’il était probable « qu’il était prêt à se salir les mains, à en juger par les hauts niveaux de métaux classiques utilisés dans ce domaine sur toutes les pages de son manuscrit et qu’il avait non seulement ses doigts contaminés par ces métaux, mais également les manches de ses vêtements. »

La chimie analytique appliquée aux manuscrits

Gleb Zilberstein, le biotechnologue kazakh qui travaille actuellement en Israël, n’en est pas à son coup d’essai. Il avait déjà retrouvé des traces de maladie rénale sur le manuscrit du Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov et analysé une lettre de George Orwell suggérant qu’il avait peut-être attrapé la tuberculose qui l’avait tué alors qu’il se trouvait dans un hôpital espagnol.

Le scientifique a déclaré au Guardian que « l’examen de textes et de manuscrits avec une chimie analytique peut révéler des informations sur ce qu’une personne mangeait, sur quoi cette personne était malade, quels médicaments elle utilisait, dans quelle atmosphère il vivait. »

La découverte de métaux associés à l’alchimie dans les pages d’un manuscrit de Kepler. À gauche, une page d’un de ses manuscrits. Au centre, les taches rouges et vertes indiquent où les chercheurs ont trouvé du mercure et, à droite, les taches vertes indiquent l’endroit où le plomb a été trouvé.

« Il est très important de revenir sur l’héritage de ces personnes pour en savoir plus sur notre histoire… Ces manuscrits regorgent de dessins étonnants et de traces de la personne qui les a créés. Si Kepler était un alchimiste, alors de nombreux processus ayant conduit à la formation de la culture, de la philosophie, de la science et de l’industrie européennes peuvent être compris. »

Contrairement à Brahe, il est impossible d’analyser le corps de Kepler. L’astronome a été enterré dans un cimetière de Ratisbonne après avoir succombé d’une fièvre en 1630, à l’âge de 53 ans. Ce cimetière a été pillé l’année suivante, au cours de la guerre de trente ans, et sa tombe n’a pas été conservée.

Il ne reste que son épitaphe, rédigée par l’astronome :
« Je mesurais les cieux, je mesure à présent les ombres de la terre. L’esprit était céleste, ci-gît l’ombre du corps. »

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J. M. Sultan
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