L'Origine du monde de Gustave Courbet au Musee d'Orsay. © Daniele Dalledonne

Le modèle de « L’Origine du monde » identifié grâce à une lettre

152 ans. C’est le temps qu’il aura fallu pour identifier le modèle de l’un des tableaux les plus controversés de l’histoire de l’art.

Cette découverte est l’œuvre de Claude Schopp, grand spécialiste d’Alexandre Dumas, père et fils, et lauréat du Prix Goncourt de la biographie pour son Dumas fils ou l’anti-Œdipe. Dans L’Origine du monde, vie du modèle, un livre à paraître le 4 octobre aux éditions Phébus, Claude Schopp nous livre en détail cette découverte fortuite.

La découverte

Occupé à analyser la transcription de la correspondance échangée entre Dumas fils et George Sand, une phrase attire son attention :

« On ne peint pas de son pinceau le plus délicat et le plus sonore l’interview de Mlle Queniault (sic) de l’Opéra ».

Seulement, le mot interview n’ayant pas sa place dans le contexte, le biographe décide de se rendre à la Bibliothèque nationale de France afin de consulter la lettre originale, datant de juin 1871. Il découvre alors qu’il ne fallait pas lire « l’interview » mais « l’intérieur de Mlle Queniault ».

« D’habitude je trouve en travaillant beaucoup, là j’ai trouvé sans chercher. C’était injuste », confie Claude Schopp à l’AFP.

Le modèle

Le modèle serait donc une ancienne danseuse, Constance Quéniaux. Née le 9 juillet 1832 à Saint-Quentin (Aisne), elle débute à 14 ans dans de petits rôles à l’Opéra de Paris. Bien qu’acclamée en compagnie de la danseuse milanaise Claudina Cucchi (dite Couqui), elle entre dans ce que l’on appelle alors le demi-monde et devient l’une des maîtresses du célèbre diplomate et collectionneur ottoman, Halil Şerif Paşa, plus connu sous le nom de Khalil-Bey.

Ce dernier, présenté à Gustave Courbet par l’intermédiaire de Sainte-Beuve,  passe commande auprès de l’artiste afin d’enrichir sa collection de tableaux érotiques – il possédait déjà Le Bain turc de Jean-Auguste-Dominique Ingres, aujourd’hui conservé au Musée du Louvre. Courbet livre alors, au cours de l’été 1866, deux toiles dans lesquelles on retrouve Constance  : Le Sommeil et l’Origine du monde.

Constance Quéniaux photographiée par Pesme, 1861.
Constance Quéniaux photographiée par Pesme, 1861.

Plus tardivement, l’ancienne danseuse s’installe à Cabourg et devient philanthrope au profit de l’Orphelinat des Arts, une maison d’éducation pour les enfants d’artistes ; ce qui expliquerait, jusqu’à présent, le silence sur son passé de modèle.

Les autres hypothèses

Avant cette découverte, d’autres noms avaient été avancés quant à l’identité du modèle. On a ainsi pensé à Joanna Hiffernan, l’une des muses de Whistler et maîtresse de Courbet à cette époque, ou encore à la comtesse de Loynes, Jeanne de Tourbey, une autre maîtresse de Khalil-Bey.

Cependant, Joanna Hiffernan est toujours le modèle supposé de la femme rousse se reposant, aux côtés de Constance, dans Le Sommeil de Courbet.

Exposée au Musée d’Orsay depuis 1995, l’Origine du monde est entre-temps passée entre les mains du psychanalyste Jacques Lacan. Pour en savoir plus sur cette période, un passage au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme s’impose où l’œuvre est exposée, aux côtés de son cache commandé par Jacques Lacan et Sylvia Bataille-Lacan pour masquer l’oeuvre, jusqu’au dimanche 10 février 2019 dans le cadre de l’exposition Sigmund Freud. Du regard à l’écoute.

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J. M. Sultan
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