À quoi-penses-tu Je ne sais pas, dessin à la plume et encre noire. Photographie : © The Courtauld.

L’Institut Courtauld annonce l’acquisition d’un rare manuscrit illustré de Paul Gauguin

L’Institut Courtauld a acquis un texte unique et richement illustré par l’influent artiste postimpressionniste, Paul Gauguin.

Un mémoire illustré

Entre mémoire et manifeste, ce texte de 213 pages intitulé Avant et après révèle des informations cruciales sur la vie, les relations et les pensées de l’artiste. Il est également une œuvre à part entière tant les dessins qui ornent ses pages se démarquent par leur qualité.

Non dépourvues de sentiment, dessin à l’encre noire et lavis noir. Photographie : © The Courtauld.

Ces mêmes pages débordent d’anecdotes sur les proches de Gauguin et d’intéressantes opinions sur le travail de confrères tels que Degas, Pissarro, Signac et Cézanne. L’artiste décrit également la tumultueuse période passée à Arles en compagnie de Vincent van Gogh et la violente dispute à l’issue de laquelle ce dernier s’est coupé l’oreille.

Ce manuscrit contient aussi de fructueuses informations sur l’état d’esprit de l’artiste et la relation qu’il entretenait avec sa propre œuvre. Il livre ainsi d’acides commentaires sur les critiques qui n’ont pas compris la modernité de son art, exprime sa haine de l’hypocrisie et de la morale bourgeoise et attaque virulemment les autorités coloniales françaises en Polynésie sans pour autant se départir de ses propres stéréotypes raciaux…

Un rare manuscrit à l’Institut

Écrit en 1903 – l’année de la mort de l’artiste – sur l’archipel des Marquises, Avant et après n’a jamais été exposé ni étudié. Ce texte représenterait d’ailleurs le manuscrit d’artiste le plus important des collections publiques britanniques.

« Perdu pendant près d’un siècle, la réémergence du manuscrit original d’Avant et après est un événement sensationnel. Richement illustré de dessins et d’estampes, grandes étaient les chances de ne pas le retrouver intact », se réjouit le directeur de la Courtauld Gallery, Ernst Vegelin van Claerbergen.

Pourtant, le mode d’acquisition révèle que ce manuscrit inédit se trouvait en Grande Bretagne depuis bien longtemps. En effet, ce rare manuscrit a été acquis pour un montant d’environ 7,1 millions d’euros à l’un des petits-enfants de Gauguin par l’Institut grâce au programme de dation en paiement (Acceptance in Lieu). Ce système permet aux contribuables de transférer des œuvres d’art et des objets patrimoniaux importants à l’État afin de régler leurs droits de succession. C’est ce même procédé qui a permis au Royal Air Force Museum d’acquérir la collection Trenchard fin 2018.

Cette acquisition vient donc enchérir considérablement la collection Gauguin de l’Institut Courtauld – la plus importante du Royaume-Uni – et rejoint quelques chefs-d’œuvre de sa période tahitienne : Nevermore et Te Rerioa.

Estampes Ukiyo-e présentes dans le manuscrit. Photographie : © The Courtauld.

Pour Edward Harley, président du conseil Acceptance in Lieu, cette opportunité est remarquable : « Avant et après, écrit peu de temps avant la mort de Gauguin, est richement illustré et est le dernier manuscrit majeur de Gauguin à être en mains privées. J’espère que cet exemple encouragera d’autres personnes à utiliser ce programme pour rendre l’art et la culture accessibles tout en enrichissant nos collections nationales. »

En attendant 2021 et la fin des travaux d’extension de la Courtauld Gallery, l’organisation prévoit d’exposer le manuscrit aux côtés des peintures et sculptures de Gauguin dans la salle centrale de la galerie. L’Institut a également annoncé que le manuscrit serait numérisé et rendu disponible à la consultation aux côtés d’une transcription commentée qui permettra à tout un chacun de l’étudier et d’en profiter.

« Bien qu’il ait été l’un des artistes les plus influents du XIXe siècle, Gauguin est également une figure très controversée. Nous allons maintenant veiller à ce que cet important manuscrit fasse l’objet de recherches approfondies et soit largement diffusé dans le cadre de la réévaluation de l’héritage débattu de Gauguin », renchérit le directeur de la Courtauld Gallery.

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J. M. Sultan
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