Vive Apollinaire ! à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris

Pour le centenaire de la mort de Guillaume Apollinaire, la Bibliothèque historique de la Ville de Paris a organisé tout un programme. Nous vous proposons aujourd’hui un aperçu de l’exposition qui est consacrée à l’auteur des célèbres Calligrammes.

Depuis le 16 octobre, la Bibliothèque historique de la Ville de Paris présente quelques facettes de la vie du poète, ses œuvres maîtresses et ses amitiés les plus marquantes à travers 83 documents exceptionnels provenant principalement de la Bibliothèque nationale de France, de la Bibliothèque littéraire Jacques-Doucet et de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris.

Ces documents couvrent donc l’ensemble de sa vie : de sa première communion à sa mort en passant par la création de ses premières revues et les témoignages de ses (nombreux) amis.

L’exposition, visible jusqu’au 15 janvier 2019 , comprend une grande majorité de lettres adressées par le poète ou qui lui sont adressées. On découvre ainsi, parmi les nombreux documents qui ont attiré notre attention, des lettres amoureuses du poète destinées à la peintre Marie Laurencin, avec laquelle il entretient une relation orageuse jusqu’en 1912.

À la croisée de tous les courants d’avant-garde, Apollinaire devient théoricien de l’Esprit nouveau (le mouvement qui donne notamment naissance au cubisme) et se fait précurseur du surréalisme. Une vitrine est consacrée à un ensemble de documents relatifs à l’art moderne dans lesquels on retrouve les noms de Raoul Dufy, Georges Braque, Sonia Delaunay, Pablo Picasso ou encore Marcel Duchamp.

Guillaume Apollinaire, lettre autographe à Serge Férat, Paris, 5 mai 1914. © Passéisme.
Guillaume Apollinaire, lettre autographe à Serge Férat, Paris, 5 mai 1914.
Apollinaire utilise pour cette correspondance une carte postale photographique le représentant en compagnie de Francis Picabia et de sa femme, la musicienne Gabrielle Buffet-Picabia. Dans un décor de toile peinte figurant le bastingage d’un paquebot, la photographie est prise à la sortie du banquet célébrant l’élection de Paul Fort comme prince des poètes, le 12 juillet 1912. Dans cette lettre, Apollinaire se montre très réactif au service de la revue et se réjouit de la progression des abonnements, mais celle-ci ne connaît plus que 3 numéros. © Passéisme.

Dans une autre partie, qui intéressera les plus bibliophiles d’entre vous, l’accent est mis sur ses premiers recueils, sa fameuse revue Les Soirées de Paris et la genèse des Calligrammes. Celle-ci expose, entre autres, son premier livre édité en 1909 dans un tirage de luxe limité à 100 exemplaires, de rares épreuves de revues et des calligrammes autographes.

Le cœur de l’exposition consiste à éclairer la relation entre le poète et la guerre. En août 1914, Apollinaire tente de s’engager dans l’armée mais sa demande est refusée car il n’a pas encore la nationalité française. Toutefois, quatre mois plus tard, sa seconde demande est acceptée. Le soldat trouve alors le temps de faire des conquêtes non pas militaires, mais amoureuses. À cette occasion, il rencontre Louise de Coligny-Châtillon, la fameuse Lou dont la correspondance avec Apollinaire a été maintes fois éditée, et Madeleine Pagès qu’il avait rencontrée dans le train au retour d’un rendez-vous avec Lou. De nombreuses lettres liées à ces deux femmes sont présentées.

Casque militaire de Guillaume Apollinaire, tôle d'acier laminé vernie, jugulaire de cuir, 1916. © Passéisme.
Casque militaire de Guillaume Apollinaire, tôle d’acier laminé vernie, jugulaire de cuir, 1916.
Au Bois des Buttes près du Chemin aux Dames, le 17 mars 1918 à 4 heures de l’après-midi, alors qu’il se détend dans son abri de tranchée en lisant un numéro du Mercure de France, Apollinaire est atteint à la tête par un éclat d’obus qui transperce son casque. Opéré en urgence le 21 mars dans l’ambulance de secours, il est hospitalisé à Château-Thierry avant d’être transféré au Val-de-Grâce à Paris. Ce modèle de casque, dit casque Adrian, est fourni aux soldats à partir de septembre 1915, en remplacement de la calotte métallique placée dans le képi, afin de les protéger plus efficacement des éclats d’obus explosant au-dessus des tranchées. Plus léger que le casque allemand ou britannique, il offre une moindre protection. © Passéisme.

Néanmoins, l’objet qui laissera une empreinte indélébile sur la mémoire des visiteurs n’est pas fait de papier mais de métal. Il s’agit du casque d’Apollinaire troué par un éclat d’obus qui le blessa à la tempe le . Affaibli par sa blessure, il meurt à Paris le 9 novembre 1918 de la grippe espagnole. Ses amis sont bouleversés par la nouvelle qui ne laisse personne indifférent. Nous conclurons par cette touchante lettre de Jean Cocteau adressée à l’écrivain André Salmon quelques heures après la tragique annonce :

Transcription

1 page, en français
(Photo 18 dans la galerie ci-dessous)

Samedi minuit
9 novembre

Mon cher André
Le pauvre Apollinaire est mort. Picasso est trop triste pour écrire – il me demande de le faire et de m’occuper des mots de journaux. Je n’en ai aucune habitude – voulez-vous être assez bon pour vous en charger ?

 


J. M. Sultan
J. M. Sultan
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