Portrait de Charles Darwin et cahier B de Charles Darwin. Photographie : © Cambridge University Library (DAR 121).

Des manuscrits de Charles Darwin volés à la bibliothèque de l’Université de Cambridge

Deux manuscrits de Charles Darwin ont été signalés comme volés à l’Université de Cambridge… 20 ans après leur dernière consultation.

La perte des Cahiers B & C

Mieux vaut tard que jamais ? Il a fallu vingt ans à la célèbre université pour se rendre compte du vol de deux cahiers exceptionnels rédigés par Charles Darwin.

L’un d’eux contient le croquis de l’Arbre de Vie de 1837. Ce diagramme bien célèbre illustre le système de ramification de la descendance qui expliquait les relations entre les espèces existantes et éteintes.

D’après le personnel de l’institution, ces cahiers auraient été « mal rangés » dans les vastes archives en novembre 2000 suite à une mission de numérisation. Pourtant, cette disparition n’a été signalée à la police du Cambridgeshire que le 20 octobre dernier.

Charles Darwin, Cahier B, l’un des deux cahiers perdus. Darwin ouvre le Cahier B en explorant l’idée que les espèces évoluent à travers les changements induits par la reproduction sexuée – une vision qu’il a ensuite rejetée en faveur de la sélection naturelle. Photographie : © Cambridge University Library (DAR 121).

Lors d’un contrôle de routine, en janvier 2001, il a été constaté que la petite boîte bleue contenant les cahiers n’avait jamais été remise à sa place.

« Mes prédécesseurs croyaient sincèrement que ce qui s’était passé était que ceux-ci avaient été mal classés ou mal rangés et ils ont poursuivi des recherches approfondies au fil des ans avec cette authentique conviction. Maintenant, nous avons complètement passé en revue […] ce qui s’est passé et sommes arrivés à la conclusion que ce n’est pas une position suffisante. » a déclaré le Dr Jessica Gardner, bibliothécaire universitaire et directrice des services de la bibliothèque depuis 2017.

Toujours selon la bibliothécaire, « de gros travaux de construction étaient en cours à la bibliothèque au moment où les éléments ont été trouvés manquants. Il y a eu des recherches continues depuis que les cahiers ont disparu et l’on pense maintenant qu’il s’agit bien d’un vol », ajoutant, « le cœur brisé », : « nous avons consacré toute notre carrière à la préservation du patrimoine culturel et nous sommes dévastés par ce qui s’est passé. […] aujourd’hui, tout objet manquant aussi important serait immédiatement signalé comme un vol potentiel et une recherche généralisée commencée. »

Le Dr Mark Purcell, directeur adjoint des collections de recherche, est convaincu que les manuscrits ne pouvaient pas être vendus sur le marché libre et qu’il était possible qu’ils soient simplement « tombés au sol ».

John Collier, Charles Robert Darwin, copie de 1883 de l’original datant de 1881. © National Portrait Gallery (NPG 1024).

Une perte inestimable

Il est bien difficile d’estimer la valeur d’une telle perte. Tandis que les experts de la bibliothèque estiment que ces cahiers vaudraient plusieurs millions de livres, c’est surtout la valeur patrimoniale de ces cahiers qui est à regretter.

L’erreur est humaine et il est certain que des « pertes », accidentelles ou non, sont à déplorer dans toutes les bibliothèques du monde mais cette affaire nous laisse sans voix quant à la gestion matérielle des collections et l’on se demande vraiment comment une université huit fois centenaire peut « mal ranger » des manuscrits cruciaux rédigés par l’un des scientifiques qui a le plus marqué le XIXe siècle.

Avec un peu de chance, ces cahiers sont simplement égarés au cœur de l’imposante institution. La bibliothèque de l’Université de Cambridge possède tout de même plus de 210 kilomètres d’étagères et abrite environ 10 millions de livres, cartes, manuscrits et objets. Les Archives Darwin contiennent 189 boîtes d’archives.

Depuis cette déclaration, l’unité spécialisée dans les vols d’œuvres d’art de la police métropolitaine a mis en place une adresse électronique à disposition de toute personne susceptible d’avoir des informations : ManuscriptAppeal@lib.cam.ac.uk.

Peut-être que nous aurons droit à un dénouement similaire à celui de l’affaire du Lambeth Palace de Londres. À la suite des bombardements de la Seconde Guerre mondiale, des livres anciens sont volés dans la résidence officielle de l’archevêque de Canterbury. Ce n’est que quarante plus tard qu’un homme atteint d’une crise de conscience sur son lit de mort décide de renvoyer ces livres au Lambeth Palace.

Parmi les 1 400 livres rares découverts dans le grenier du coupable – qui était associé à la bibliothèque du Lambeth Palace – se trouvait l’une des premières éditions de la seconde partie d’Henri IV par William Shakespeare.

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J. M. Sultan
J. M. Sultan
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