Des fragments manuscrits d’œuvres de Chrétien de Troyes rejoignent la BnF
La Bibliothèque Nationale de France a annoncé l’acquisition de rares fragments manuscrits contenant des passages de l’œuvre du fondateur de la littérature arthurienne, Chrétien de Troyes.
Un auteur de légende
Chrétien de Troyes est un poète français qui a vécu entre 1130 et 1180/1190. Ses œuvres ont aujourd’hui une célébrité d’envergure internationale puisqu’il est considéré comme le fondateur de la littérature arthurienne et l’un des premiers auteurs de romans de chevalerie. Parmi ses œuvres majeures, l’on retrouve Érec et Énide, Cligès ou la Fausse Morte, Lancelot ou le Chevalier de la charrette, Yvain ou le Chevalier au lion et Perceval ou le Conte du Graal. Ses romans reflètent les idéaux du temps et mettent en avant l’amour courtois, la dévotion à toute épreuve, les duels et autres aventures chevaleresques.
Les informations biographiques dont nous disposons aujourd’hui sont très maigres et se limitent, finalement, aux détails laissés par l’auteur. Ainsi, c’est dans le prologue du Chevalier de la charrette que l’auteur précise avoir écrit ces lignes sur les ordres « de [sa] dame de Champaigne ». Il s’agit de Marie de Champagne, fille d’Aliénor d’Aquitaine et de Louis VII. Grâce à ces quelques mots, nous pouvons affirmer que l’auteur avait un statut de poète à la cour de Champagne et que certaines de ses œuvres sont des commandes.
Des manuscrits sauvés de justesse
Les fragments manuscrits qui rejoignent aujourd’hui la BnF contiennent d’importantes parties de Cligès, d’Yvain et de Perceval. Copiés à Troyes vers la fin du XIIe ou le début du XIIIe siècle, ils sont presque contemporains de la création des œuvres tandis que les passages conservés sont très proches des versions considérées comme originales.
Mais, le plus surprenant est la provenance de ces fragments puisqu’ils appartiennent à un ensemble que l’on qualifie de Manuscrit d’Annonay. Tout commence en 1933 lorsqu’un bibliophile, Paul Escoffier, rend visite à son cousin, Léon Boissonnet, notaire à Annonay, en Ardèche. Il remarque alors, parmi les volumes de sa bibliothèque, des reliures qui semblent composées de fragments de littérature médiévale.
Il demande alors l’avis du médiéviste Albert Pauphilet qui leur annonce, stupéfait, qu’il s’agit d’extraits contemporains d’œuvres de Chrétien de Troyes ! D’autres experts font le déplacement et leurs avis sont unanimes. La découverte de nouveaux fragments en 1951 provoque le même enthousiasme1.
« L’entrée de ce manuscrit exceptionnel dans les collections de la BnF offre la possibilité d’étudier et de comprendre la genèse de trois chefs-d’œuvre de la littérature française dont l’influence inépuisable marque encore la création contemporaine » déclare Laurence Engel, présidente de la BnF.
Estimés entre 30 000 et 40 000 euros, ces fragments trouvent preneur à 58 000 euros (72 500 euros avec les frais) avant d’être préemptés par l’État pour la Bibliothèque nationale. Leur acquisition a été réalisée avec le soutien de l’homme d’affaires Emmanuel Boussard et de l’académicien et médiéviste Michel Zink.
Avant leur numérisation, les manuscrits légèrement endommagés par leur précédent usage passeront par la case restauration. Puis, ils pourront rejoindre le département des manuscrits dont l’origine remonte aux collections de manuscrits du roi Charles V et où plus de 1,2 millions de manuscrits y sont déjà conservés.
- Voir Louis-Fernand Flutre, Nouveaux fragments du manuscrit dit d'Annonay des œuvres de Chrétien de Troyes. In: Romania, tome 75 n°297, 1954. pp. 1-21.
