Pierre Paul Rubens, étude d'un jeune homme aux bras levés. © Sotheby's

La vente d’un précieux dessin de Rubens par la famille royale des Pays-Bas attire les critiques

La famille royale des Pays-Bas a choisi Sotheby’s pour vendre un certain nombre d’œuvres d’art dont un important dessin par Pierre Paul Rubens. Un choix de plus en plus critiqué.

La vente d’une collection royale

Ces œuvres proviennent de la collection du roi Guillaume II des Pays-Bas qui a réuni avec sa femme Anna Pavlovna de Russie une importante collection comprenant des œuvres réalisées par les plus grands maîtres.

Ce n’est pas la première fois que des œuvres de cette collection se retrouvent aux enchères. Ainsi, après le décès du roi en 1850, des dessins de Raphaël, Michel-Ange et Léonard de Vinci sont dispersés. Bien des décennies plus tard, en 2012, c’est l’Atlas Munnicks van Cleeff, un important classeur contenant 1 200 dessins d’Utrecht datant des XVIIe et XVIIIe siècles, qui est vendu à l’homme d’affaires néerlandais John Fentener van Vlissingen.

Une rare étude préliminaire

Le dessin, une étude préliminaire d’un jeune homme aux bras levés, est l’une des rares études de figures monumentales qui ont survécu pour les personnages clés du grand retable représentant L’Érection de la croix, que Rubens a peint pour l’église anversoise de Sainte-Walburge peu après son retour d’Italie, à la fin de l’année 1608. Depuis 1824, ce retable est conservé dans la Cathédrale Notre-Dame d’Anvers.

C’est un dessin d’une dimension de 49,1 sur 31,5 centimètres réalisé à la pierre noire, avec rehauts de blanc. Il a été conçu et exécuté avec une clarté totale de l’ensemble et de la maîtrise de la technique, tout en illustrant clairement les processus de pensée et la méthode de travail de l’artiste.

D’après le catalogue, il a été acheté par Samuel Woodburn au peintre anglais Thomas Lawrence puis vendu par Woodburn au roi Guillaume II. Il est aujourd’hui la « propriété d’une princesse » dont on pense qu’il s’agit de la princesse Christina, la plus jeune sœur de l’ancienne reine Beatrix.

Pierre Paul Rubens, étude d'un jeune homme aux bras levés. © Sotheby's
Pierre Paul Rubens, étude d’un jeune homme aux bras levés. © Sotheby’s

Un choix critiqué

Cette décision de la famille royale est de plus en plus critiquée depuis que les musées néerlandais qui envisagent de vendre des œuvres de maîtres se sont imposés une règle pour informer d’éventuelles institutions intéressées aux Pays-Bas avant de faire appel à une maison de vente aux enchères. D’après le quotidien néerlandais Algemeen Dagblad (AD), la famille royale n’honore pas cette règle. « Il n’y a pas eu de consultation et ce n’est pas la voie royale qui convient », a déclaré au journal l’historien de l’art Sjarel Ex, directeur du musée Boijmans Van Beuningen qui possède le plus grand nombre d’œuvres de Rubens du pays.

Ex insiste pour que cette vente soit annulée ou au moins retardée afin de laisser le temps à une institution néerlandaise d’acquérir l’étude. Selon lui, « cette collection fait partie du patrimoine national néerlandais. […] Vendre aux enchères signifie que le propriétaire est seulement après le plus gros montant. […] Si nous pouvions acquérir le dessin, ce serait l’œuvre de Rubens la plus importante de notre collection ».

Salima Belhaj, membre du parti libéral Démocrates 66 (D66), rajoute que « le public néerlandais pourrait toujours avoir la chance de profiter de ces dessins. Si les œuvres partent à l’étranger, nous ne les reverrons plus » tandis que l’Association Rembrandt décourage grandement la vente d’œuvres d’art d’importance nationale à l’étranger. Mark Rutte, le Premier ministre des Pays-Bas, a déclaré qu’il n’interviendrait pas dans la décision de la famille royale, qu’il considère comme une affaire privée.

Toujours selon l’historien de l’art Sjarel Ex, l’investisseur et collectionneur américain Leon Black aurait montré son intérêt pour le dessin. La vente de ce dernier, estimé entre 2,5 et 3,5 millions de dollars, est toujours prévue pour le 30 janvier chez Sotheby’s à New York.

Mise à jour : Un dénouement prévisible pour cette vente exceptionnelle organisée durant la Masters Week de Sotheby’s. Grâce à un fonds gouvernemental – utilisé pour la dernière fois en 2015 à l’occasion de la vente d’une œuvre de Rembrandt -, l’Association Rembrandt et le Fonds Mondriaan, associés au Musée Boijmans van Beuningen, ont pu rassembler la somme de 1,5 millions de dollars.

Toutefois, bien que déjà éloignée de l’estimation initiale, cette somme était loin du compte. Ce dessin exceptionnel a été adjugé à 8,2 millions de dollars (frais inclus). Cette vente établit ainsi un nouveau record pour un dessin de l’artiste baroque et dépasse les 5,5 millions de dollars demandés pour un dessin représentant Samson et Dalila, lors de la vente de la collection I.Q. van Regteren Altena chez Christie’s en juillet 2014.

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J. M. Sultan
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