Baccio Bandinelli (1488-1560), Projet de sculpture colossale de l'amiral Andrea Doria en Neptune. Plume et encre brune, pierre noire. Ancienne collection Martelli. Expert : Cabinet de Bayser. © SVV Enchères Océanes.

Record mondial pour un dessin du sculpteur florentin Baccio Bandinelli

Adjugé 680 000 € dans une salle des ventes au Havre, ce dessin du sculpteur florentin Baccio Bandinelli vient d’enregistrer un nouveau record pour cet artiste controversé.

Une découverte inattendue

Ce rare dessin a été découvert de manière totalement fortuite dans un vieil album provenant de la collection d’une famille normande, contenant principalement des gravures des XVIIIe et XIXe siècles.

Maître François-Xavier Allix examinait cet album lorsque son œil est attiré par une feuille dont la qualité d’exécution est indéniable. De passage à Paris, le commissaire-priseur décide de soumettre ce mystérieux dessin à l’expertise du Cabinet de Bayser, leader français d’expertise en dessins anciens. Selon les experts, il n’y a pas de doute, il s’agit d’un dessin de Baccio Bandinelli.

Baccio Bandinelli (1488-1560), Projet de sculpture colossale de l’amiral Andrea Doria en Neptune. Plume et encre brune, pierre noire. Ancienne collection Martelli. Expert : Cabinet de Bayser. © SVV Enchères Océanes.

Le Cabinet décide tout de même de contacter Roger Ward, la principale autorité sur les dessins de Bandinelli qui confirme à son tour l’attribution du Cabinet de Bayser.

« Il nous a confié qu’il cherchait ce dessin depuis plus de quarante ans, précise Matthieu de Bayser au Magazine Interenchères. Il se doutait qu’il existait mais n’en avait aucune trace. C’est la magie des collections de province. Elles dévoilent des œuvres inédites disparues depuis des siècles. »

La feuille dispose en outre d’une prestigieuse provenance, celle de la collection Martelli, une illustre famille florentine du XVIIIe siècle.

L’amiral Andrea Doria

Ce dessin réalisé à la plume et encre brune représente Andrea Doria (1466-1560), un condottière et amiral de Gênes, représenté en Neptune, dieu de la mer et des océans.

Doria est l’auteur d’une réforme politique qui restaura la liberté à sa cité. Le général est depuis considéré comme l’un des meilleurs généraux de son époque.

Sebastiano del Piombo, Portrait d’Andrea Doria, vers 1526. Villa Del Principe.

En 1528, pour célébrer cette victoire sur les envahisseurs, la République de Gênes décide de confier à un artiste florentin, Baccio Bandinelli, la réalisation d’une monumentale sculpture dédiée à l’amiral.

Précisons que cette commande est documentée dans deux musées. En effet, une Étude pour le soubassement du monument d’Andrea Doria est conservée au Musée du Louvre (Cabinet des dessins, Fonds des dessins et miniatures, INV 86) tandis que le British Museum possède une étude similaire sous une pose différente (1895,0915.553).

Malgré cela, la sculpture ne vit jamais le jour.

Un artiste controversé

Bandinelli est un artiste appartenant au Cinquecento, un terme qui désigne le XVIe siècle italien, bien souvent synonyme d’âge d’or artistique. Cette époque voit l’avènement de Léonard de Vinci, Raphaël ou encore Michel-Ange.

Après un premier échec dans le domaine de la peinture, Bandinelli se consacre à la sculpture où il finira par jalouser et prendre en haine Michel-Ange et son école.

Non dénué de talent, l’artiste est l’auteur de sculptures monumentales renommées telles qu’un Orphée en marbre visible au Palais des Médicis, le groupe représentant Hercule et Cacus du Palazzo Vecchio et les tombeaux des papes Léon X et Clément VII.

Baccio Bandinelli, Projet pour les tombeaux de Léon X et Clément VII, 1533-1535. Académie royale des beaux-arts de San Fernando.

Pourtant, il ne finalisera jamais le projet de la République de Gênes. Après avoir encaissé une avance de 500 florins, Bandinelli est absorbé par d’autres commandes.

Depuis, l’artiste souffre d’une mauvaise réputation, en partie propagée par les élèves du maître de la chapelle Sixtine et Giorgio Vasari qui lui consacre l’une de ses Vies. Par ailleurs, ce dernier raconte à son sujet une étrange anecdote selon laquelle Bandinelli, fou de jalousie, aurait détruit un carton de Michel-Ange :

Les uns prétendirent qu’il déchira ce chef-d’œuvre pour en posséder quelques parties ; d’autres pensèrent qu’il voulut ôter à ses jeunes rivaux les moyens de faire des progrès, en étudiant cette admirable page ; ceux-là dirent qu’il n’agit ainsi que par affection pour Léonard de Vinci, qui venait de voir sa réputation éclipsée ; ceux, enfin, qui savaient mieux apprécier les choses, attribuèrent son action à la haine dont il poursuivit pendant toute sa vie le grand Michel-Ange. Ce fut une perte immense pour les arts : aussi l’accusa-t-on justement d’envie et de méchanceté.

Giorgio Vasari, Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, Baccio Bandinelli.

Il semble toutefois que ces dernières années voient l’émergence d’une nouvelle tendance qui annonce la redécouverte de son talent par les collectionneurs.

Record mondial !

Dans une vente organisée chez Artcurial, le 27 mars dernier, une étude de Nus masculins débout par Bandinelli, estimée 30 000 – 40 000 euros, a été adjugée 331 400 euros.

Notre dessin, estimé par maître François-Xavier Allix entre 60 000 et 80 000 euros, écrase ce précédent record avec un résultat spectaculaire : 680 000 euros, soit 820 000 euros en tenant compte des frais.

D’après maître Philippe Revol de la SVV Enchères Océanes, « six acheteurs potentiels se sont disputés, au téléphone, le dessin réalisé par celui que l’on considère comme le concurrent de Michel-Ange » avant que celui-ci ne soit adjugé à un collectionneur américain.

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J. M. Sultan
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